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en arts, lettres, langues, sciences humaines et sociales

01 avril 2020
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La revue Tétralogiques lance un appel à contributions "Pour une axiologie clinique". Date limite de candidature : 1er septembre 2020.

Le prochain numéro de la revue Tétralogiques se propose de mettre en avant une explication axiologique des faits humains, quels que soient les contenus sur lesquels l’aptitude éthico-morale s’applique (mots, images, biens, personnes et rapports sociaux…). Il s’agit également de l’aborder sous l’angle clinique, à même d’en révéler la spécificité.

Modalités de proposition

Les propositions d’articles suivront les normes de la revue et parviendront par voie électronique à la rédaction à l’adresse suivante avant le 1er septembre 2020.

Les articles reçus sont évalués de façon anonyme par des membres du comité de rédaction, du comité scientifique ou, en fonction de la thématique, par des spécialistes extérieurs et en accord avec le responsable du numéro. Ces lecteurs rendent un avis motivé sur sa publication, ou son refus, et décident des modifications éventuelles à demander à l’auteur.

Date limite de soumission : 1er septembre 2020
Date de parution : printemps 2021

Argumentaire

Nous pourrions définir en première approximation l’axiologie comme étant l’explication de l’aptitude humaine à satisfaire des affects à condition que cette satisfaction soit conforme à un jugement éthique. Elle s’inscrit dans une longue tradition philosophique sans jamais pour autant avoir constitué une science humaine à part entière qui se donnerait comme objet spécifique cette capacité à éprouver des affects à partir de jugements de valeur, à critiquer les conditions de la satisfaction — en termes de précautions et de prétentions —, à en tirer du plaisir mais aussi à supporter la frustration. Les préoccupations axiologiques traversent pour autant de nombreuses disciplines. Sans être exhaustif, citons au premier chef la psychanalyse à qui l’on doit à la fois la formulation de la problématique du désir et celle de l’inconscient (Freud puis Lacan), la psychologie quand elle s’intéresse aux attitudes et émotions des individus, plus récemment la neurologie (avec les travaux par exemple d’António Damásio), mais également la sociologie (Max Weber en particulier qui a souligné l’existence d’une pluralité de rationalités, dont la rationalité axiologique, tout en insistant sur l’importance pour la recherche de la « neutralité axiologique »), les sciences du langage (de la grammaire dite normative à un large pan de la pragmatique, en passant par l’intérêt pionnier de Charles Bally à partir de l’expressivité puis d’Emile Benveniste) ou encore l’économie pour laquelle la question de la valeur et du prix est centrale. L’originalité de l’anthropologie clinique médiationniste, qui est la référence de la revue, est de considérer, depuis une cinquantaine d’année et les travaux fondateurs de Jean Gagnepain, cette capacité axiologique à l’égale des capacités sociologique, technique et linguistique, tout en l’autonomisant du point de vue du processus sous-jacent grâce notamment à la dissociation qu’offre l’observation des pathologies.

De façon à préciser la thématique proposée dans ce numéro, résumons le modèle dialectique de la raison axiologique telle que la conçoit l’anthropologie clinique médiationniste. Les animaux humains et non humains recherchent spontanément une satisfaction à partir d’une pulsion (définie comme la configuration gestaltique de l’affect) qui leur permet de se mobiliser et d’éprouver une certaine appétence. Afin d’accéder à un bien jugé plus grand, la satisfaction est mise à échéance, et par là se constitue un comportement qui a de la valeur. Ce vouloir naturel est contredit ou critiqué par la capacité éthique, proprement humaine par hypothèse, qui introduit implicitement de l’interdit, de l’abstinence, de la réticence, de la règle, ou encore du «  manque  », du « refoulement ». L’Homme, en posant la question de la légitimité de ses pulsions, est aussi capable de ne pas tout vouloir (vouloir dire quand celui-ci s’observe dans le langage, vouloir faire techniquement, vouloir être socialement). Il ne s’agit plus seulement de différer le vouloir mais de pouvoir y renoncer ; il ne s’agit pas non plus de s’abstenir de tout mais de ne pas se contenter de n’importe quel prix (sous peine d’éprouver de la culpabilité) ni de se satisfaire de n’importe quel bien (sous peine d’éprouver de la déception). Ce pôle structural éthique, vide de tout contenu, est à son tour contredit par une capacité «  morale  » d’habilitation qui nous permet de vouloir quelque chose et de prendre des décisions tout en tenant compte de ces exigences éthiques. Le comportement moral opère par détour d’un « interdit » qui ne cesse de nous travailler implicitement. Il constitue donc un compromis entre ce que l’on voudrait (par préférence naturelle) et le droit légitime (à dire, être et faire) que l’on se donne, adapté aux situations concrètes et visant toujours l’assurance et le contentement. Ce modèle axiologique se déduit d’observations cliniques dont le champ couvre l’ensemble de la problématique des névroses (phobie, obsession, hystérie), des psychopathies (ou sociopathies), de l’aboulie, de certains syndromes frontaux, des troubles du comportement alimentaire, etc. Au-delà des pathologies, ce numéro entend ouvrir la clinique à l’ensemble des atteintes touchant la dialectique de la réglementation du désir (par abus, excès ou par défaut).

Problématiques éventuelles

  • Dans le champ clinique, à côté des pathologies mentionnées ou d’autres qui affecteraient spécifiquement la capacité axiologique, pourraient être abordées en particulier les violences (quelle que soit l’échelle considérée) sous l’angle de l’impulsivité, de l’emportement tout comme celui de la souffrance ou de la vulnérabilité, en renouvelant les débats sur la dissociation entre transgression (passage à l’acte) et infraction sociale (agressivité), culpabilité et responsabilité sociale (dans les formes d’emprise par exemple).
  • L’interférence entre axiologie et sociologie avec des études de sociodicée (jugement de valeur et de légitimité sur les faits sociaux avec par exemple des cas de transfert vs aliénation) et d’axionomie (socialisation de la valeur et du légitime comme par exemple l’instruction morale et civique à l’école, la question de la légalisation des drogues, de l’euthanasie...).
  • La technicisation de la réglementation éthique (stratagème) peut également faire l’objet d’analyses à l’heure notamment des images numériques truquées, des dérives potentielles du big data et des stratégies de captage de l’attention.
  • En axiolinguistique, les analyses s’ouvrent à la dialectique entre liberté d’expression verbale, censure et mensonge (injure, discours de dérision, « infox »…).
  • Une critique de la conception utilitariste et naturalisante qui sous-tend certaines approches cognitivistes ou économiques basées sur la recherche d’un maximum d’avantages (de gains), pour un minimum d’efforts (de coûts) serait également bienvenue.
  • Les modalités actuelles de l’ascétisme (la maîtrise de soi jusqu’à trouver la satisfaction dans le manque), de la casuistique (l’atténuation conjoncturelle de la rigueur), et de l’héroïsme (l’acte gratuit, l’exploit).

Les contributions attendues reposeront à la fois sur des travaux empiriques (études cliniques, enquêtes, analyse de corpus, histoire documentée des concepts...) et sur une approche théorique. Le point de vue privilégié sera celui de l’anthropologie clinique mais le numéro accueillera, sous la condition précitée, d’autres courants et méthodologies tant dans les champs de la psychanalyse, de la psychiatrie, de la psychologie ou de la neurologie, que de la philosophie, de la sociologie, de la linguistique, de l’économie et du droit.

Bibliographie

Gagnepain J., 1990, Du vouloir dire. Traité d’épistémologie des sciences humaines, t. 2, De la personne. De la norme, Paris, Livre et communication.
Gagnepain J., 1994-2010, Huit Leçons d’Introduction à la Théorie de la Médiation, Institut Jean Gagnepain, Matecoulon-Montpeyroux – édition numérique – v.10-01.
[en libre accès]
Quentel J.-C. et Duval A., 2006, L’autonomisation de l’éthique, Le Débat, n° 140, mai-août, p. 106-125.
Pirard J.L, 1994, Du côté de chez Freud. Éléments pour une axiologie, Tétralogiques, n° 9, p. 39-63.
Sabouraud O., 1996, Le cerveau et l’éthique, Tétralogiques, n° 10, p. 109-118.