Maison des Sciences de l'Homme en Bretagne
Type d'événement
Journée d'études

La propriété ecclésiastique dans l’Europe atlantique au Moyen Âge et à l’époque moderne, IXe-XIXe siècle

Du 17 au 18 juin 2021 - Brest
Contenu sous forme de paragraphes

L’économie monastique et canoniale : terre, exploitations, contrats dans l’Europe de l’ouest au Moyen Âge et à l’époque moderne

Jeudi 17 juin 2021

 

À la suite d’une première journée consacrée à la constitution du temporel ecclésiastique, cette deuxième s’intéresse aux formes prises par ces propriétés et aux modalités de leur mise en valeur, au sein de l’espace atlantique.

Les domaines de l’Église se différencient sensiblement de ceux détenus par les autres propriétaires fonciers : par leur origine (des aumônes de taille variable et dispersées), leur fonction ou leur statut (bénéficiant de la protection de l’immunité). Si au Moyen Age, il s’agissait initialement d’assurer l’autoconsommation des communautés monastiques ou de fournir des revenus pour la construction des églises et le devoir de charité, assez rapidement la situation évolue avec l’augmentation de la taille des domaines ou le passage des abbayes sous le système de la commende. Les modalités même de la mise en valeur sont au cœur de nos interrogations : recettes pragmatiques justifiées par les habitudes ou application de modèles plus réfléchis appuyés par une gestion éprouvée, en connexion avec des marchands pour assurer la vente.

Leur mise en valeur, surtout lorsqu’elle s’appuie sur des cultures spécifiques (vignoble, arboriculture…) suppose ou nécessite des travaux importants et réguliers, entretien que les moines astreints à une règle stricte ou les chanoines et prêtres engagés dans des charges séculières ne peuvent assurer seuls, et encore moins les évêques et repose, en grande partie, sur le travail assuré par des personnes extérieures, distingués par différents statuts - serfs puis tenanciers-, dont certains ont négocié des contrats spécifiques. Elle passe aussi par la mise en ferme ou en régie des domaines, introduisant sur ces terres, des agents intermédiaires au service des investisseurs.

Si l’historiographie a permis de mieux connaitre la composition de ces domaines, d’identifier des types de contrats récurrents et de proposer des approches sociologiques sur le monde rural, ces études restent encore limitées et imprécises pour le Moyen Age en raison de la méconnaissance du vocabulaire contenu dans les chartes, de l’imprécision des mesures agraires utilisées ou de l’absence de référentiels. Pour l’époque moderne, la gestion de quelques temporels d’abbayes est connue mais ce n’est presque jamais le cas pour ceux des évêques et des chapitres, et très imparfaitement pour les biens des paroisses. Des études comparatives à l’échelle de cet espace large permettent de préciser ces notions, de dépasser les diversités lexicales déroutantes et d’établir des comparaisons stimulantes. L’identification des composants domaniaux et des contrats apporte aussi des éléments de réflexion sur la place de l’économie monastique ou canoniale au sein d’une région et leur rôle dans l’essor des réseaux d’échange (les foires et marchés), ainsi que dans la diffusion des progrès agraires.

 


Les terres d’Église dans l’Europe atlantique : un enjeu foncier, politique et financier

Vendredi 18 juin 2021
 

La terre accordée à l’Église se retrouve soustraite du marché foncier et protégée par un statut particulier, l’immunité à laquelle s’ajoute la menace de sanctions spirituelles matérialisées par l’excommunication.  Ces considérations sont sans doute efficaces quand le souvenir des donations est encore proche, mais elles perdent de leur impact à mesure que celui-ci se dilue dans la profondeur « des temps immémoriaux ». Le pouvoir politique, quel qu’il soit, garde cependant un œil sur ces domaines. Au cours de son histoire, la propriété ecclésiastique a ainsi été régulièrement aliénée par les autorités et son statut fréquemment remis en cause : instauration de la commende, suppression des communautés monastiques en Angleterre, nationalisation des biens du clergé à la Révolution, desamortización dans la péninsule ibérique.

Presqu’aussi fréquente que l’aumône, la calumnia s’inscrit à l’encre noire sur les parchemins. Cette proximité entre le don et la réclamation, entre l’aumône et la contestation a interrogé les historiens : témoignage de la mainmise de l’Église sur la propriété foncière, illustration de la violence d’une élite envers les plus pauvres, entreprise avant tout rhétorique d’influence grégorienne destinée à culpabiliser les laïcs. Les positions sont plurielles et ont évolué dans le temps. Les approches pluridisciplinaires et notamment l’anthropologie ont permis de comprendre comment, malgré la faiblesse des moines et l’inanité des sanctions imposées aux seigneurs fraudeurs, des moyens « efficaces » pour résoudre les conflits, généralement en leur faveur avaient pu s’imposer et être reconnus (jugements de Dieu). Avec les temps modernes, cette problématique, là encore, se transforme, ce n’est plus en tant que religieux que les détenteurs de terres sont contestés mais en tant que grands propriétaires, jouissant de statuts privilégiés (biens de mainmorte par exemple) au regard de l’État comme des autres groupes aspirant eux aussi à tirer des bénéfices économiques ou du prestige social de la possession foncière. Le moine, l’évêque ou le chanoine ne sont plus guère perçus en tant qu’intermédiaires assurant une voie vers le salut mais comme seigneur exigeant (trop exigeant ?) ou parfois illégitime quand on considère qu’il ne rend plus les services qu’il devait à la communauté comme dans les critiques violentes adressées aux réguliers dans la seconde moitié du XVIIIe siècle. C’est aussi en ces termes que l’on peut comprendre les décisions de nationalisation et de vente des biens du clergé dans la France en révolution de 1789 et 1790.

Le conflit n’est donc pas hors du temps et il est lié à des enjeux particuliers qui ont parfois une portée générale. Ces multiples tensions concernent des problèmes fonciers particuliers souvent récurrents dont l’importance a parfois été négligée au profit de la seule observation des mécanismes de régulation. La présentation de synthèses comme d’exemples particuliers peut permettre d’apporter des éclairages révélateurs à des échelles ajustables, de la parcelle jusqu’à la province et même le royaume, sur la nature de ces conflits.

Les acteurs méritent une attention redoublée : les chevaliers pillards, les châtelains ou autres avoués laïcs du Moyen Age laissent progressivement la première place au prince ou au roi, aux agents des communautés religieuses, des évêques ou des chapitres - tenanciers, contremaîtres, officiers, fermiers, régisseurs-, mais aussi riches paysans, bourgeois, marchands, citadins ou corps de ville, acteurs très actifs dans la négociation de contrats prometteurs et les aliénations de ces propriétés.

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