La quatrième séance du "groupe de travail interdisciplinaire" "Masques de danse des Balkans" s'intéresse au jeu et à la gestuelle dans le théâtre antique grec.
- Marie-Hélène Delavaud-Roux (UBO) : courte chorégraphie de pantomime inspirée par Lucien, Péri Orchèséôs, 63
- Anna Lazou (université d'Athènes) : Ancient Greek mask theatre and performance
- Susie Vusbaumer (université de Rouen) : "Le geste aux confins de la danse. Réflexion sur le jeu masqué du comédien dans la tragédie grecque"
- Marie-Hélène Delavaud-Roux (UBO) : courte chorégraphie de pantomime inspirée par Lucien, Péri Orchèséôs, 63
« C'est précisément ce qui arriva à Démétrios le Cynique. Il adressait à l'art de la danse les mêmes critiques que toi, disant que le danseur venait simplement en plus des auloi , des syrinx et des pieds qui battent la mesure, qu'il ne contribuait en rien à présenter l'action, et se bornait à des mouvements privés de sens et inutiles, sans qu'il y entrât aucune intelligence, tandis que les spectateurs se laissaient abuser par les à-côté, vêtement de soie, et joli masque, les trémolos de l'aulos, la belle voix des chanteurs, tous ornements sans lesquels la prestation du danseur n'est rien ; alors un danseur en vogue sous le règne de Néron non dépourvu d'esprit, dit-on, remarquable s'il en fût, par ses connaissances historiques et la beauté de ses mouvements demanda à Démétrios, ce qui était à mon sens parfaitement raisonnable, de le regarder danser avant de critiquer ; et il s'engagea à se produire sans aulos et sans les chants. Ce qu'il fit : il imposa le silence aux batteurs de mesure et aux joueurs d'aulos et au chœur et, sans aucune assistance, dansa les amours adultères d'Aphrodite et d'Arès, leur dénonciation par le Soleil, le piège préparé par Héphaïstos pour prendre les deux au filet, et tous les dieux présents, chacun individuellement, la honte d'Aphrodite, l'effroi et les supplications d'Arès et tous les épisodes de cette histoire, si bien que Démétrios, charmé au-delà de toute mesure, rendit au danseur le plus beau des hommages. Il s'écria d'une voix retentissante : "j'entends, mon ami, tout ce que tu représentes ; non seulement je le vois, mais il me semble que tu parles avec tes mains." »
[traduction inédite par M. -J. Salé]
- Anna Lazou (université d'Athènes) : Ancient Greek mask theatre and performance
Anna Lazou is Associate Professor in Anthropological Philosophy at Athens University (since 2023) and in Aesthetics of Performing Arts (since 2025). She is also an expert in staging with the Artistic Ensemble Dryos Topoi (δ ρ υ ό ς τ ό π ο ι) in collaboration with the Students Theatre Initiative Drys of Athens University, in a series of performances and happenings that finally resulted to the formation of a particular approach to Ancient Greek Drama. Her talk will have the following topics :
1. Philosophical approach of the use of masks in ancient theatre
2. Historical and anthropological facts about mask and gesture
3. Interculturality in contemporary dance revivals of ancient material
4. Exploration of the sociopractical appeal of performance with masks (Antigone 2006, Orchesis 2018, Lysistrata 2025)
- Susie Vusbaumer (université de Rouen) : "Le geste aux confins de la danse. Réflexion sur le jeu masqué du comédien dans la tragédie grecque"
Dans l’introduction à son ouvrage Danses de la Terre, Françoise Gründ s’interroge sur l’énigme que représente la danse : "Est-elle message, mime, théâtre, rituel, gestuelle de conjuration ? Est-elle compagne de Dionysos, le provocateur au sexe brandi, le danseur de transe, et ainsi devient-elle maîtresse du désordre, ou bien reste-t-elle fille d’Apollon (le guérisseur, le danseur traceur de chemins) et l’ordonnatrice de l’intuition fondatrice de la société ? Doit-elle toujours s’identifier avec dynamisme, évolution dans l’espace ou paradoxalement montrer la subtilité du simulacre de l’immobile ? Se confond-elle avec le désir d’être un autre ? Prend-elle alors le nom d’une de ces dramaturgies de l’extrême ?" (p. 6-7).
En plongeant dans le répertoire tragique du théâtre antique grec à la recherche d’éléments pouvant guider vers une gestuelle du comédien masqué, on s'interroge souvent sur ce qui différenciait la gestuelle du comédien de la danse. Certes, dans le théâtre de Dionysos, dieu que Sophocle nomme dans sa tragédie Antigone "le chorège des astres qui soufflent le feu" [πῦρ πνεόντων χοράγ᾿ ἄστρων (v.1146)], celui qui dirige la danse des étoiles et orchestre le monde, la danse occupe pleinement sa place et la métrique du texte indique clairement les passages qui lui sont destinés, qu’elle soit accomplie par le chœur ou par un personnage.
Cependant, le jeu masqué implique une gestuelle si particulière que la frontière qui le sépare de la danse se brouille, devenant poreuse et remettant en cause les critères qui semblaient pourtant évidents. C’est que le comédien compose sa gestuelle en résonance avec le texte que lui-même prononce. Il donne alors des fonctions diverses à ses gestes selon le passage et la situation donnés. Mais toujours son jeu est subordonné à la métrique et au rythme du texte tragique.
Aussi nous proposons-nous, à la lumière de Plutarque qui définit la danse dans les Propos de table (livre IX, chapitre 15), d’étudier ce qui distingue la gestuelle du comédien masqué de la danse dans la tragédie grecque.

Chœur des femmes (Sarae Durest et Idaline Hamelin), dans Les Sept contre Thèbes d’Eschyle ; masques de Guillaume le Maigat peints par Céline Radet ; mise en scène Philippe Brunet [réfectoire des Cordeliers, Paris, Dionysies 2014]
© Démodocos. Photographie : Emmanuel Durest.