Jeux avec masques (Roumanie)

La deuxième séance du "groupe de travail interdisciplinaire" "Masques de danse des Balkans" se penche sur les "jeux avec masques" aujourd'hui en Roumanie avec une perspective historique par rapport aux deux derniers siècles.

• Iona Baskerville, ethnologue à l'Académie roumaine de Iassy : "Entre jeu et enjeu identitaire : les pratiques hivernales de masques en Roumanie contemporaine du point de vue des performeurs"

Cette présentation vise une compréhension critique des motivations contemporaines des performeurs des coutumes hivernales de masquage dans le nord-est de la Roumanie, appelées "jeux avec masques". Elle s’interroge s’interroge à la fois sur leur contribution à l’affirmation de l’identité culturelle locale et sur leur rôle dans la création de moments de jeu individuel et collectif, en s’appuyant sur la théorie du jeu de Huizinga. Dans Homo ludens (1955), Huizinga explique que l’acte de jouer nécessite de franchir une frontière qui sépare l’espace et le temps du jeu du monde ordinaire. Le franchissement de cette frontière vers l’espace du jeu implique un changement d’identité des joueurs, les faisant passer de leur "moi" quotidien et ordinaire à leur "moi" ludique.
Au cours des deux derniers siècles, les spécialistes du folklore historique et évolutionniste ont intensément recherché les motivations principales des festivités masquées du point de vue des participants. Leur objectif était de détecter et de décrire ces époques révolues où le port du masque conférait une qualité magique au protagoniste, une phase qui semble bien éloignée des cérémonies masquées festives de notre siècle. La dernière phase de ces coutumes est influencée par un processus graduel qui transforme les rituels de "l’âge d’or" en simples spectacles, où la sophistication rituelle et l’organisation formelle deviennent de simples loisirs sociaux.
Basé sur des entretiens récents et des observations participantes menés dans la principale région où ces pratiques prospèrent actuellement – le nord-est de la Roumanie – cette présentation montre que l’accentuation croissante de l’esthétique et du désordre, de l’excès et du jeu, est en accord avec l’une des qualités anciennes et innées de l’apparence spectaculaire de ces pratiques (couleur, bruit, foule). Ces éléments visent à séduire les sens des performeurs et du public, à générer du ludique, et de moins en moins, ou dans une moindre mesure, à servir la mise en avant de l’identité culturelle locale. Par ailleurs, ces pratiques remplissent une fonction sociale importante : le renforcement saisonnier des liens sociaux entre les performeurs et leur public.